Vengeance, empoisonnement, affaire Poupault, si l’on ajoute à cela le mot prison, titre de l’exposition présentée dans la salle de conférence… on se croit dans une série noire ! Pour le 83e forum du CCHA, notre conférencier, Gwénaël Murphy, joue les Maigret et ce n’est pas pour déplaire aux quelque 75 personnes venues partager le suspense. Marie-Claude Albert présente Gwénaël, agrégé et docteur en histoire, co-fondateur du CCHA en 1999 avec Pascal Borderieux, notre archiviste châtelleraudais. Il est l’historien par excellence « des gens ordinaires » et des femmes en particulier. N’a-t-il pas fait sa thèse sur « les religieuses en Poitou » ?
Mais les femmes qui l’intéressent ne sont pas toutes vertueuses et ses recherches l’amènent aussi à se pencher sur des histoires d’empoisonnement, très en vogue au XIXe siècle, son récent livre «Les vénéneuses» en témoigne.
Revenons donc à notre mystérieuse affaire : un mari, un beau-fils et une belle-mère en sont les principaux personnages… Qui est vraiment la victime ? Le beau-fils, François, qui se plaint à son médecin de maux de ventre et de nausées et qui clame que Jeanne, sa belle-mère, veut sa mort ? Ou bien Jeanne, l’accusée qui nie farouchement avoir versé du vert de gris dans la nourriture de son« fillâtre » ? Mais le médecin accuse, la rumeur aussi…
On assiste comme dans un film aux différents interrogatoires, avec les questions et les réponses, qui vont mener l’accusée aux Assises. On attend les résultats des prélèvements effectués à partir de résidus retrouvés au fond des « vases ». Ils sont accablants : ces restes contiennent du verre broyé et de la limaille de cuivre qui peuvent, selon le médecin du beau-fils entrainer la mort. Nous voilà donc en présence d’une tentative de meurtre et Jeanne est arrêtée. De février à août 1832, date de son procès en Assises, elle est incarcérée à Châtellerault puis à Poitiers. Elle subit d’autres interrogatoires avec témoins mais affirme toujours être innocente en dépit de ses rapports on ne peut plus conflictuels avec François Philippe son beau-fils.
Et le père, Jacques Philippe, dans cette affaire ? Ancien soldat de l’armée de Napoléon, 22 ans de carrière militaire, il tient un cabaret au Champ de Foire à Châtellerault. Au cours de ses nombreuses campagnes, il s’est marié et a eu un fils François : le plaignant. C’est en 1821 seulement qu’il épouse Jeanne Poupault, 43 ans, célibataire, 1 m 35, le visage ravagé par la petite vérole, mais certainement apte à aider au cabaret…On devine que les années passées à courir l’Europe, à côtoyer la mort et les horreurs de la guerre, les dures conditions de vie souvent allégées par l’alcool, n‘ont pas fait de ce mari un modèle de douceur… Mais à son sujet le silence est total. De lui on ne parle pas. Il n’est même pas interrogé ni cité dans le cadre de l’enquête et bien pis, il disparait totalement du paysage au moment du procès ! Un suspect potentiel qui aurait fait accuser sa femme pour s’en débarrasser ?
Quoi qu’il en soit, le 20 août 1832, au Palais de Justice de Poitiers, Jeanne Poupault qui risquait la « peine infamante » est déclarée non coupable par le jury d’Assises.
On peut retrouver cette femme brisée à Châtellerault où elle finit par entrer, à l’âge de 78 ans, « veuve et sans asile » à l’Hospice de la ville. Elle y décède peu de temps après en 1856.
Un bien agréable moment pour des auditeurs passionnés par l’histoire mais aussi par un conférencier qui a su nous faire revivre pleinement cette « affaire » et souvent avec humour. Merci Gwénaël !
Jacqueline Gagnaire
L’ouvrage collectif auquel Gwénaël Murphy a participé,
« Les Vénéneuses. Figures d’empoisonneuses de l’Antiquité à nos jours »,
paru en février 2015 aux Presses Universitaires de Rennes.