Compte rendu du Forum du CCHA du samedi 2 février 2013 : « Les « experts » châtelleraudais. Médecins légistes et autopsies au XIXe siècle »

Les « experts » châtelleraudais.

Médecins légistes et autopsies au XIXe siècle

 

La presse avait parlé d’une conférence originale pour ces experts d’un autre âge… et elle le fut. Originale et surtout intéressante, deux qualités qui ont permis à la soixantaine de personnes présentes, ce 2 février, d’apprécier ce voyage médico-légal au XIXe siècle. Moins d’auditeurs que d’habitude, certains ont pu être découragés par ce thème inhabituel.

Sandra Menanteau qui vient de terminer une thèse sur le sujet, connaît parfaitement ce siècle où la médecine légale évolue et elle en parle bien. Dès le XIIIe siècle, on examine les corps post mortem dans les cas douteux pour y observer les plaies ou les anomalies et il arrive que l’on procède à des analyses chimiques. Mais c’est au XIXe siècle que des examens en profondeurs vont être effectués dans les décès suspects, en liaison avec la justice, car il faut en élucider les circonstances et les causes. Des autopsies sont demandées par le juge pour des morts violentes, des crimes de sang, des suicides et des infanticides. On recense entre 1895 et 1915 cinquante crimes de sang commis dans la Vienne et de nombreux infanticides.

A qui sont confiées ces autopsies ? Faute de spécialistes, ce sont des médecins « ordinaires » qui sont sollicités par les magistrats. A Châtellerault trois médecins sont régulièrement appelés pour pratiquer ce genre d’acte : le Dr Lerpinière, le Dr de Mascarel et le Dr Moreau. Tous les trois sont diplômés de la faculté de médecine de Paris et font figure de spécialistes et d’experts auprès des juges. Mais on ne tarde pas à former des médecins dans cette branche médico- légale. Malheureusement, l’enseignement n’est pas adapté à la réalité : on reste dans la théorie, aucun cours de pratique n’est prévu. S’en suivent des débats entre hommes de l’Art et hommes de Justice pour que ces médecins reçoivent une formation pratique. En 1896, il existe une liste d’experts. La nouvelle formule ne fonctionne pas tout de suite, les magistrats requérant le plus souvent des médecins non qualifiés qu’ils connaissent déjà.

Quelles sont les conditions matérielles de travail ? Rien n’est prévu pour examiner un cadavre. L’autopsie a généralement lieu sur place, là, on l’on a trouvé le corps. Trouvé dans la nature, il va être examiné dans la bâtisse la plus proche et si le corps est déjà dans une maison (pendaison, infanticide ou mort inexpliquée) l’autopsie a lieu également sur place dans la chambre, voire sur la table de cuisine… Un corps peut être examiné aussi dans un cimetière après une exhumation. Notre conférencière raconte qu’en 1825 à Thuré, près de Châtellerault, on a ouvert neuf tombes avant de trouver le bon cadavre, présumé avoir été empoisonné. Le corps, enfin identifié grâce à sa tabatière restée dans une poche, est transporté dans les anciens locaux de la prison communale pour y être autopsié.

Qu’en est-il du matériel et des outils ? Il n’existe pas de table d’autopsie à cette époque, pas plus que de locaux adaptés. Si plus tard on utilise des instruments de petite chirurgie : scalpel, ciseaux, sonde et autres objets, au début, le mot « outil » semble être le mot juste. Pour ouvrir les trois cavités du corps, couper des os, des vertèbres ou la boîte crânienne, on se sert alors de scie, de ciseau à bois, de marteau à crochet, de cisailles ou de sécateur… Sur l’écran, des gravures, illustrant ces manipulations, sont si réalistes qu’un murmure parcourt la salle et que quelques personnes détournent le regard. Quant aux analyses de sang ou de divers fluides, elles sont coûteuses et se font à Poitiers ou à Paris, surtout lorsqu’il s’agit d’analyses toxicologiques suite à des suspicions d’empoisonnements.

La conférence se termine sur l’utilité de ces recherches qui permettent de déterminer avec précision les causes d’un décès suspect ou d’un crime.

Nous avons assisté, au cours de cette conférence avec Sandra Menanteau, à l’élaboration d’une profession médicale qui s’est révélée au XIXe siècle et qui n’a cessé, au fil des temps, d’affiner ses connaissances et ses techniques d’investigation au service de la Justice.

Jacqueline Gagnaire

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