Compte rendu du forum du CCHA du 16 novembre : « Les étrangers en Châtelleraudais aux XVIIe et XVIIIe siècles »

  • Il y avait peut-être un peu moins d’auditeurs que d’habitude, et c’est bien dommage, en ce 16 novembre 2013, au Verger pour apprécier cette conférence « interactive » conviant la salle à répondre aux questions du conférencier. Sébastien Jahan nous a fait partager son travail de recherches sur les étrangers dans le Châtelleraudais au XVIIIe siècle avec l’enthousiasme du passionné qui passionne, un travail très approfondi mêlant réflexions sociologiques et recherches archivistiques.
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  • Mais qui est Sébastien Jahan ? Geneviève Millet, administrateur du CCHA, le connaît bien pour travailler avec lui depuis de nombreuses années. Elle nous le présente : maître de conférences en Histoire Moderne à l’UFR des Sciences Humaines à l’Université de Poitiers, membre du GERHICO (Groupe d’Etude et de Recherche en HIstoire du Centre Ouest). Il est aussi l’auteur de nombreuses publications et recherches dans des domaines très variés. Le conférencier peut prendre la parole.
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  • Des étrangers, assure-t-il, il y en avait déjà en France au XVIIIe siècle et dans le Châtelleraudais mais on n’observe pas d’arrivées massives, si l’on excepte les Acadiens et la petite colonie allemande qui ont séjourné sur les terres du marquis de Pérusse des Cars, seigneur de Monthoiron. De ces étrangers il ne parlera pas, car ils ont déjà fait l’objet de multiples conférences. Puis s’adressant à la salle, il pose la question : qu’est-ce qu’un étranger ? Les définitions fusent qui reviennent toutes à la même conclusion : c’est celui qui n’est pas né sur le sol français… et les Acadiens, étaient-ils Français ? Des discussions s’engagent qui tendent à prouver que la notion d’étranger est bien difficile à cerner. D’autant qu’à une époque, en France, l’étranger était aussi celui qui venait d’une région voisine avec son patois différent… Mais on peut aussi poser la question suivante : qu’est-ce qu’un Français au XVIIIe siècle ? Le conférencier y répond : c’est quelqu’un qui est né sur un territoire appartenant au roi de France même si ses parents ne sont pas Français. Inversement, celui qui naît sur un territoire non administré par le roi de France a la nationalité du pays où il est né, même si ses parents sont Français,.
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  • Où peut-on trouver trace d’étrangers dans la région au XVIIIe siècle ? Notre conférencier a fait ses recherches dans les registres paroissiaux, aux archives départementales et municipales, il a consulté des archives judiciaires, celles des hôpitaux ainsi que des mémoires de maîtrise.
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  • Sébastien Jahan classe les étrangers en deux catégories : les étrangers qui passent et ceux qui s’installent. Les étrangers de passage sont pour beaucoup des soldats qui combattaient pour le roi de France. On trouve environ 20% d’étrangers dans ces régiments avec une majorité de Suisses, d’Allemands et d’Irlandais catholiques. Ces soldats pouvaient appartenir à des régiments dissous, cherchant un emploi à travers la France. Beaucoup sont accompagnés de femme et d’enfants, ce qui évitait les désertions. On compte aussi des prisonniers de guerre parmi ces soldats répertoriés ainsi que des pèlerins se croisant sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle.
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  • En ce qui concerne les étrangers installés, Sébastien Jahan fait référence au mémoire de maîtrise de Virginie Pichon qui a courageusement dépouillé 9 500 actes de mariages dans les registres des cinq paroisses de Châtellerault. Seulement onze mariages d’étrangers y ont été trouvés. Châtellerault n’était pas une terre de migration. A Poitiers, les nombreux couvents attirent les Irlandais catholiques qui y séjournent. A propos d’Irlandais, on nous conte l’histoire d’un certain Edward Dancy né en Irlande en 1692 qui fait ses études en France à Douai et devient principal du collège de Châtellerault de 1737 à 1763… surprenant !
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  • Le conférencier présente ensuite deux personnages intéressants. Balthazar Klein est né en 1697 dans un village de Haute-Silésie. Il est maître sellier et réside au château des Ormes où il s’occupe des écuries et plus particulièrement de l’élevage des chevaux de course du Marquis. Il se marie avec une Française et a quatre enfants. Dans ce même château, résident également plusieurs personnes germanophones affectées au service du Marquis.
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  • Une autre figure d’étranger est ensuite évoquée, celle du « nègre de Pleumartin ». Sur les registres paroissiaux il est noté : « Pierre, nègre américain ». Il se marie en 1733 avec une Française. Il n’est pas esclave mais dépendant, certainement domestique au château du Marquis de Pleumartin. Il disparaît en 1757. Un mariage avec une blanche est un début d’émancipation.
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  • Pour conclure, Sébastien Jahan constate que d’un point de vue sociologique tous les étrangers qui se marient épousent des conjoints de même situation sociale et sont de milieux identiques. Pour ceux qui ont un métier, souvent spécialisé, ils apportent quelque chose de neuf. Dans l’ensemble il n’y a pas de déclassement social et le plus souvent ces étrangers sont sous la protection des « puissants ». Pour terminer, le conférencier considère que d’une manière générale, l’étranger n’échappe pas à ses origines.
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  • Deux heures d’écoute et d’échanges qui ont vraiment passionné l’auditoire.
 
Jacqueline Gagnaire

Le compte-rendu complet de la conférence est paru dans la revue RHPC, n°28, à télécharger ici.

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Association fondée en 1999, le C. C. H. A. vise à la découverte, la sauvegarde et la promotion du patrimoine documentaire du Pays châtelleraudais.
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