Depuis sa création, le CCHA propose chaque année une sortie de découverte du patrimoine châtelleraudais. En 2005, avec les véhicules de l’Amicale Rétro Locomotion présidée par Françoise Pinon, nous nous sommes rendus sur les lieux des anciennes guinguettes. Depuis nos deux associations collaborent et nous entraînent sur les petites routes châtelleraudaises avec ces « merveilleux fous roulants ».
Ce 15 juin 2019, 70 personnes ont visité le Lencloîtrais. Le matin a été consacré au chanvre à Ouzilly puis à la visite de l’ensemble conventuel de Lencloître. Après le repas pris sous la halle aux grains de Scorbé-Clairvaux, deux visites ont occupé l’après-midi, au donjon du Haut Clairvaux et au musée Charles de Gaulle.
Trois étapes ont jalonné l’itinéraire passant des collines de Colombiers et Marigny-Brizay plantées de vignes à la vallée de l’Envigne réputée pour ses cultures maraîchères et son chanvre. A Ouzilly, nous avons été reçus par M. Lambert (dont le père a travaillé dans l’usine) ; il nous a accueillis dans ce qui était le bistrot situé près de l’usine de Launay-Monteil.
Au milieu du XIXe siècle la culture intensive du chanvre occupait la plus grande partie des terres arables de la région. C’est alors que le propriétaire du château de Tricon à Ouzilly, M. de Fouchier, imagina l’installation d’une usine qui transformerait le chanvre produit par les agriculteurs, en fil prêt à tisser. Il s’inspirait de ce qui se faisait dans plusieurs régions proches, la Sarthe, l’Anjou, la Touraine. Possédant un moulin au lieu-dit Launay, sur le cours d’eau éponyme (appelé aujourd’hui la Bourde), il fit construire, en 1876, une usine unique en son genre en Poitou-Charentes ; elle a été dirigée par M. Prinet et M. Jamet.
Au lieu-dit Launay-Monteil restent maintenant des ruines, les murs et une partie de la cheminée après le sauvetage effectué par la DRAC en 2002.
Le principal corps de bâtiment, large d’environ 13 m, s’étend sur une longueur de 30 m. Une grande porte permettait l’accès des charrettes chargées des bottes de chanvre avant leur rouissage dans l’Envigne qui coule de l’autre côté de la route. Les « andains » s’égouttaient puis étaient mis à sécher dans une chambre chauffée par un foyer situé à la base d’une grande cheminée en brique, toujours visible près de la route. Un creux arrondi dans le sol laisse penser qu’une machine à vapeur entraînant des broyeuses était installée là. La commune conserve deux broyeuses, fabriquées au Mans, venant de l’usine.
Les tiges de chanvre passaient entre deux rouleaux cannelés et les fibres se détachaient de la chènevotte ligneuse. Pour bien nettoyer la filasse et isoler les plus longues fibres, on introduisait les poignées de chanvre entre deux grands tambours en tôle, horizontaux et tournant l’un vers l’autre. L’étoupe restante était utilisée pour l’étanchéité des bateaux et en plomberie pour faire des joints. La fibre passait à la carde, au peigne qui divisait les brins sans briser les filaments. La filasse passait entre des dents métalliques plus ou moins rapprochées. En 1886, les peigneurs exécutaient ce travail manuellement mais des machines existaient dans les grandes entreprises. Pour assouplir la filasse on la tressait, la tassait dans une auge et on la battait à l’aide d’un pilon. Ensuite on la conditionnait en ballots.
Grâce à la voie ferrée de petite largeur construite d’Ouzilly à Neuville, les ballots de filasse embarqués à la gare de Saint-Genest-d’Ambière arrivaient par le train à Poitiers, puis à Bordeaux d’où ils partaient vers l’Amérique du sud. Une vingtaine d’ouvriers embauchés dans la campagne environnante faisait tourner l’usine au début du XXe siècle. L’usine a fermé en 1925.
A Lencloître, M. Colin, son maire, nous a conduit sur le site de l’ancien prieuré fontevriste du 12e siècle, établi aux bords de l’Envigne et de la Fontpoise ; il nous a présenté les étapes de sa rénovation ; le prieuré des femmes, qui abrite aujourd’hui le conservatoire de musique, la bibliothèque et des associations, le pigeonnier aux 1300 boulins, le cimetière des hommes et les bâtiments des hommes en attente de réhabilitation.
A Scorbé-Clairvaux, le repas a eu lieu sous les halles. La charcuterie était abondante, dans ce territoire où les légumes (asperges) sont cultivés ! L’après-midi, deux groupes ont visité le site du Haut-Clairvaux et le musée Charles de Gaulle.
Pôle chatelain Richard Cœur-de-Lion, Scorbé-Clairvaux
Au XIIe siècle, l’empire Plantagenêt s’étend du Nord de L’Angleterre à tout l’Ouest de la France jusqu’aux Pyrénées. Clairvaux, fief de grandes familles angevines est l’objet de tensions sévères entre deux descendants de Henry II Plantagenêt et d’Aliénor d’Aquitaine. En 1182 Henri-le-Jeune, cadet devenu dauphin du royaume d’Angleterre, revendique légitimement le fief de Clairvaux. Son frère Richard, Comte du Poitou, Duc d’Aquitaine, dont le territoire jouxte à cet endroit l’Anjou, n’admet pas la préséance de son aîné. Il annexe le château, chasse le seigneur occupant et entreprend d’importants travaux de fortification. Pour éviter une guerre fratricide Henri II intervient. Le site castral du Haut-Clairvaux garde la mémoire de ce siècle à la géopolitique tourmentée.
M. Jugé, maire de la commune, nous a présenté les richesses du musée Charles de Gaulle : livres, affiches, journaux, timbres, objets-souvenirs…
Cette sortie restera dans les annales du fait des thème abordés et de la qualité de nos guides: deux maires pour commenter, l’un, la visite de l’ensemble conventuel de Lencloître, l’autre, le musée Ch. de Gaulle à Scorbé-Clairvaux, l’adjoint au maire d’Ouzilly pour nous accueillir au hameau de la Guérinière et deux membres du CCHA, Geneviève Millet et Bernard Fy, pour nous présenter l’usine de Launay et le site du haut Clairvaux.